Ya des jours comme ça où tu te lèves avec l'envie de faire une connerie...
Moi c'était en rentrant des mondiaux de cozumel. Besoin d'un nouveau défi.
On est le 2 octobre 2016, je motive Grand Tetra, on se connecte sur le site d'Ironman. Les slots pour Barcelone 2017 viennent d'ouvrir.
Je prends ma CB, et pif, je suis plus léger d'environ 500 euros. Il faudra par la suite rajouter le billet d'avion et le logement. C'est pas donné d'être un homme d'acier...
Les mois passent doucement, en se disant qu'on va allonger la prépa en temps voulu. J'ai beaucoup de travail, donc une bonne excuse pour rester au chaud :) et les 4 premiers mois de l'année je fais entre 10 et 14 h d’entraînement par mois. J'ai surement dû mal lire qu'il fallait 10 à 14h par semaine (et non par mois) pour finir son IM...
Mais j'ai bonne conscience, j'ai acheté le livre de Guy Hermelin, et je mise tout sur le matos !! J'ai un bon vélo, je vais tout déchirer :D
Juin juillet et Août font ma fierté : 24h d'entraînement mensuel. J'explose ma moyenne et je commence à bien sentir l'histoire. Pour la première fois je fais plus de 80km en sorties vélo, en solo qui plus est. Je sens déjà que j'ai des jambes en acier. Sûr, je vais vite devenir un bonhomme tout entier en acier.
Vient septembre, les mondiaux de Rotterdam se passent bien, mais mes genoux sont fragiles, et limitent considérablement l'entraînement. L'essentiel est derrière mois de toute façon, il ne faut pas se charger inutilement !
A ce moment là, je fais la moyenne :
4h d'entraînement hebdo depuis Janvier
49km en 15h de natation (j'ai volontairement délaissé la nat)
2500km de vélo en 76h
700km en 63h de cap.
Oui... c'est pas énorme, mais moi je trouve que ca le fait grave ! Je me connais bien, j'ai un gros mental, et blague à part, je mise beaucoup dessus.
Je prends mon avion pour Barcelone. On est vendredi, et la course c'est demain. Je rejoins grand Tetra et sa femme, notre supportrice #1, à Barcelone et on file sur le site, car nous n'avons que jusqu'à 18h pour récupérer nos dossards.
On est un poil juste, pas de briefing (il a eu lieu le matin) mais on est content d'être là. L'orga est au top : pas de queue pour le dossard, les gens sont sympas, on monte les vélos vite fait et on file à l'appart se reposer. La journée de demain va être longue. Petit bémol : 1 pompe à vélo pour 3000 concurrents !! jamais vu ça. On fait la queue et on rencontre un 3ème wilder par hasard.
Précision pour ceux qui comme moi aiment claquer du pognon inutilement dans des souvenirs, c'est le moment d'acheter tous les goodies IM comme pour ton môme à Eurodisney, parce que le lendemain tu coures et le surlendemain tout ferme à 12h (en gros au moment où tu sors de la léthargie)
On loge à Santa Susanna. C'est pas loin, mais comme pour tous les tri, pas loin c'est toujours relatif : 5 ou 7 km, ca oblige à prendre le train. A 6h ya ce qu'il faut, mais le dernier est à minuit. Et si tu as la chance de devenir un homme d'acier en 15h, ben tu gagnes en plus le droit de rentrer à pied.
Faut savoir aussi que le 1er octobre, c'est la fête des locaux. Enfin le début de la fête des allemands locaux plus précisément... véritable défilé, bière à gogo, vive l'oktoberfest... Et la moindre des choses à dire, c'est que l'oktoberman est beaucoup plus nocturne comme animal que l'ironman ! Bref, ils foutent un bordel pas croyable. Mais on ferme les yeux et on pense à demain...
5h, on se lève. petit déj sommaire
6h le train
6h30 on est dans le parc à vélo. A l'entrée grand tetra me lance en déconnant "t'as bien pris ta puce hein ?". P*tain la puce... je coures dans le sens inverse, j'ai le temps de rentrer à l'appart' en panique mais en 30 secondes je me dis que je dois pas être le seul. Je vais voir un officiel. Pas de soucis, ils m'en filent une autre illico. Pfiou... c'était moins une ! Au passage, au départ de la nat, il filent des bonnets supplémentaires, des lunettes et des puces au cas où...
On remplit les bidons, on regarde le soleil se lever, on se met en condition, et il est déjà 8h. Départ des pros dans quelques instants. Ca claque de les voir partir. Musique à donf, pour notre départ à 8h30 ce sera du ACDC. Je suis gonflé à bloc !
Je profite de chaque instant. Je pars sur mon rythme habituel de gros diesel. J'ai confiance dans ma nat, je suis pas bon en court distance, mais les 2 entraînements de 4,2 km que j'ai fais je suis ressorti très frais. De toute façon, maintenant c'est trop tard pour s'inquiéter ! Parti dans le sas des 1h20 je remonte beaucoup de monde. La rolling start est sympa car on ne part pas en baston dès le départ, mais a contrario ya pas grand monde et je commence à partir trop à gauche car je relève pas assez la tête pour voir où je suis. En plus les lignes de sables au fond de l'eau transparente ne sont pas parallèles au tracé du parcours. Vraiment ils déconnent chez IM... :D Bref, je dévie un peu, mais qu'importe, je double, et au final je sors de l'eau en 1h12.
8 min de transition à T1. Je sors de l'eau comme si j'étais sur un sprint. Et 20 mètres plus loin je réalise ma bêtise... la journée va être longue. Perds pas de temps, mais fais les choses proprement. Un filet d'eau coule sous l'arche de sortie du swim. Je me rince sommairement. Je prends un verre d'eau pour nettoyer mes pieds du sable. Et je file.
Ca commence bien ! J'ai 5 min d'avance sur le timing prévisionnel.
Le vélo part sur 3 km pourris dans la ville : relances pénibles, dos d'âne, virages serrés, mais la foule t'acclame comme au tour de France, ca y est, le jour de gloire est arrivé ! Ils ont bon goût ces spectateurs ! Et puis on passe un première petite bosse. Pour celui qui fait Embrun, il rigole. Moi on m'a dit "Fast and Flat". Je suis donc étonné de voir ces bosses. Mais au km 5 tu t'en fous. Au 180 ca pique un peu plus... Une fille me double, se colle dans ma roue avant. Ca m'étonne. Elle boit un coup d'isotonic, et gerbe illico. J'esquive de peu ses effluves.
On commence à 2, mais petit à petit je m'aperçois qu'environ 15 personnes sucent nos roues. Je suis dubitatif. J'imaginais qu'avec le monde, on se situerait à 5 / 7 m les uns des autres, mais non... ca y va joyeusement. Pas de petit délit... du gros du lourd du violent. Je me retourne, râle un peu, et m'aperçois qu'en fait, il est impossible de ne pas être en paquets. Calcul rapide : la boucle fait 70km. On est 3000. Ca fait, si chacun est réparti tout le long à distance égale (ce qui est évidemment impossible) un gars tous les 23m. Autant dire qu'en étant sorti en 1h20 du parc à vélo, je suis avec le gros des triathlètes. Les arbitres passent, nous demandent de nous mettre en ligne. J'hallucine et ne comprends pas la consigne : si on se met en ligne, on va forcément drafter. Certains passages avec ralentisseurs font perdre des bidons, et parfois la route n'excède pas 4m de large, pour l'aller et le retour. Un jour de pluie je n'imagine même pas le carnage. L'aller se passe tranquillement, le retour aussi, mais je ne suis pas là pour être en groupe. J'aime avancer dans les descentes ou le vent dans le dos. Je m'échappe, fais l'effort, et roule 30 km à peu près tout seul, 50 m devant le groupe. Mais à la deuxième boucle le vent se lève fort, et je le prends dans la tête. Je vois toujours des arbitres qui ne disent rien. Inévitablement le peloton me ravale. Je me cale en dernière position, environ 5m derrière un gars sympa avec qui j'ai causé un peu. Une arbitre passe, me colle un carton bleu (5min de pénalité). Je lui demande juste comment on fait pour ne pas drafter. Elle hésite... mais me laisse le carton et note mon numéro. C'est mérité. Elle cartonne le gars devant moi, et puis elle s'en va. J'hallucine total !!! Ya 20 mecs en peloton, elle cartonne les 2 derniers ! Je remonte, tape un sprint pour lui demander si elle a plus d'encre dans son stylo ! Elle me répond qu'on va en causer à la penalty box. Je l'ai mauvaise... Après discussion, elle bafouille un peu, me dit qu'elle a collé 2 carnets de cartons. Je ne comprendrai pas la non sanction du groupe, c'est pas grave. Ma punition est méritée, ya pas d'injustice. J'en profite pour me reposer. Ma moyenne chute de 34 à 32kmh.
Le vent se lève de plus en plus fort. Et comme de par hasard, au bout de 3h30 de ma course, les premiers sortent pour la cap, ca laisse plus de place sur la route. Avec les cartons qui sortent, d'un coup il n'y a plus de groupes. Tant mieux. Mais là je souffre mentalement à la 3ème boucle (demi-boucle en réalité) Je prends le vent dans la tête, ca devient dur. Et surtout j'ai peur de prendre un second carton, synonyme de disqualification car malgré tout ca reste difficile d'être à distance règlementaire, même s'il n'y a plus de peloton, on est tous en file indienne, et pas du tout au même rythme. Mais bon an mal an, je me dis que je regretterai dans quelques temps mon vélo, car la cap arrive à grand pas.
5h38 de vélo plus tard, j'ai avalé les 180km. soit 31,8 de moy. Je suis content, j'ai encore gagné 5 minutes.
T2 en 6min, ras, propre. Je pose le vélo en courant, oublie encore que je suis pas sur du S... je me calme. Je croise la copine qui me fait coucou. Je prends des nouvelles de mon pote et hurle un "dis à ma femme que je l'aime" comme si j'allais partir à la guerre. Elle se marre.
Et la course commence. On dit qu'un marathon, c'est 32 km d'échauffement, et 10 km de course. Bon ben un IM, c'est 184 km d'échauffement avant un petit marathon. J'y vais cool, me dit que c'est le moment de mettre à profit mes 10' d'avance. T'emballe pas René... ca va être long. Je vise un 6'15 / km, 6'30 avec les ravitos ou une pause. Je tiens le 1er km. Au 2ème km je morfle, mais la foule est en délire. Le speaker gueule. Je me rappelle que mon prénom n'est pas Anthony. Merde... ce n'est donc pas moi que la foule acclame ??! Quel manque de goût... Anthony Costes me double tranquille et remporte la victoire à 200m de moi. Cool, un français vient de gagner. Pas cool, moi j'ai encore 40 bornes...
Et là je vois le compteur fondre... 7', 7'30 je donne ce que j'ai mais le temps au km augmente sans que je ne puisse rien y faire. Je décide une pause au ravito. En fait, je vais me faire tous les ravitos.
Et si vous m'avez lu jusque là, je vais vous épargner chaque km qui fut vraiment une souffrance. Je finis au mental. La cap est horriblement moche (oui moi je pléonasme quand je veux). En gros, 4 km sympas car une foule de dingue jusqu'à ceux qui finissent en 12h, (ensuite ca se disperse). Les mômes te tapent dans la main, c'est top. Les gens hurlent ton prénom, les filles montrent leurs seins, ah euh non... mais quand même, l'ambiance est sympa. Et ensuite t'as 10km de no man's land. Vent dans la gueule, pluie, décors tout moche. Et tu dois faire ca 3 fois.
Le 2ème tour, t'as du mal, mais tu te dis que t'en as encore pour 3h donc tu la fermes et t'avances. Mais le 3ème tour t'as envie de tuer tout le monde, de pleurer, d'arrêter, en tout cas pas envie de retourner dans les champs. Mais aller, on y va. Chaque km a l'air d'en faire 3. Mais non, t'as montre GPS est de mèche avec l'orga, ya bien le compte. Les gars commencent à tituber. D'autres vomissent tripes et boyaux. Ca me fait flipper. Comment peut-on se mettre dans cet état. Et je pense à mes potes qui doivent se demander de la même façon ce que je vais faire sur ce genre d'épreuves.
Je finis en 11h57. Ca y est... Un petit Dab pour faire sourire mon fils quand il verra la photo finish. Ma femme et mes enfants m'ont accompagné sur chaque cm de ce parcours. J'ai envie de chialer, mais je crois que j'en ai même pas la force. Putain je l'ai fais. La femme de Grand tetra me remet ma médaille (elle a un pass VIP). C'est un super souvenir. Elle semble encore plus émue que moi.
De toute façon, j'ai plus de cerveau, plus de jambes, ca y est... c'est clair... je suis un homme d'acier.
Grand Tetra finit rapidement derrière moi, en 13h37. Pour un premier IM, ca claque.
Une pensée ne cesse de tourner dans ma tête : "putain... on l'a fait"
En bref, pour ceux qui ne liront pas toute ces lignes, je vous en veux terriblement.
Mais quand même, sachez que Barcelone, c'est : 1) pas à Barcelone (mais à Calella) 2) pas si plat que ça, même si c'est très plat... 3) que ca drafte obligatoirement 4) que la cap est vraiment toute moche
C'est aussi : 1) l'endroit idéal pour débuter sur un XXL 2) une orga de ouf 3) une expérience inoubliable 4) des ravitos très complets
Au plaisir de vous retrouver sur des courses ;)
Commentaires
Wild Team Paris-IDF
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C'est un exploit accessible, ya pas à hésiter ! Foncez !
Wild Team Bourgogne Franche Comté